Les Bulles

dirait qu'eile veut me dire quelque chose, sa bouche remue sans arret. Pere disait: «C'est curieux, nous avons beaucoup plus peur des Autres, qui ne sont pas tres dangereux, que des huiles. J e· suppose que c'est parce que les Autres nous revoltent et nous font horreur, alors que les huiles ont une sorte de beaute parfaite. » C'est vrai, c'est plutot joli, les huiles. Je les regarde souvent flat– ter dehors. Eiles brillent doucement, parcourues de couleurs, on dirait tout a fait les bulles de savon que je faisais pour m'amuser, quandj'etais petite. Mais eiles sont beaucoup plus grosses, et dures, si dures que rien ne peut les detruire. Mais eiles se cassent sur les humains, et ils men– rent. Je l'ai vu, une fois, quand pere etait encore la. Un homme. I1 courait de toutes ses forces, avec la bouche grande ouverte. Il devait crier, mais on n'entendait rien. Et une enorrne bulle glissait derriere lui. Vite, si vite. Eile l'a rattrape, et eile s'est cassee, juste sur sa tete. I1 a ete tout reconvert de cette bave irisee. Je me suis mise a hurler, et pere est arrive en cou– rant, et il a appuye rna figure contre lui. Il a dit: <<Ne regarde pas, n'aie pas peur, cherie. )) I1 m'a serree tres fort, et quand il m'a lichee et que j 'ai regarde de nou– veau, il n'y avait plus rien dehors, juste une grosse flaque scintillante, de cette couleur melee des huiles. Pere a dit: «II est mort, le malheureux, il a ete dis- 4

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