Craqueur

Alain le Bussy Elle s'approcha de Jersy et il la serra contre lui. Mais ils ne detacherent pas leurs regards du coteau presque degami d'arbres. D'arbres debout, au moins. Car les autres, les troncs nettoyes de leurs branches par trois semaines d' efforts epuisants, ceux-la etaient legion. Ils roulaient, s'entrechoquaient, se brisaient par– fois, tout en devalant la pente raide. Jersy revit menta– lement les lieux en pleine lurniere : la cabane de Mary et Alan Veldart se trouvait un peu sur la gauche du ftot decha.lne, et il y avait .la bosse au pied de laquelle ils avaient enterre Simon Heyf pour le proteger de !'avalanche... si plus haut rien ne l'avait fait <levier dans la mauvaise direction. Ils sentirent le sol vibrer sous leurs pieds tandis que les grands troncs, dont cer– tains se transformaient en debris plus petits, passaient a moins de trente metres de l'extrernite de la terrasse. Du coin de l'ceil, Jersy vit que le reste du village s'etait reveille. Certains avaient p1is le temps de s'ha– biller, mais la plupart po1taient leurs vetements de nuit, parfois avec une pelisse ou, comme Jane, une couver– ture sur les epaules pour se proteger de la fraicheur de l' aube. Ils regarclaient tous, fascines, le spectacle de l' avalanche vegetale. Elle s'acheva dans d'immenses gerbes d'eau quand les troncs atteignirent le rebord de la falaise pour tom– ber une trentaine de metres plus bas dans le lac. Jersy se sentit tout a coup tres fatigue, comme s'il venait de passer des heures a abattre ces troncs. C'etait vrai qu'il avait travaille d'arrache-pied, comme tout le monde d' ailleurs. Mais il avait a peine senti la fatigue pendant tous ces jours, parce qu'il savait qu'elle etait indispensable. Et en quelques instants, elle venait de devenir inutile... 3

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