Ce qui n'est pas nommé

Ce qui n 'est pas nomme Le siang originel trouva a ce probleme une solu– tion inattendue en enon~ant le principe qui, a aucun moment, n' avait quitte la memoire des continuateurs de son oouvre : le peuple shOr ne devait rien posseder qui fOt source de convoitise. Pas meme de culture. Ce dernier point ne fut resolu que par le quatrieme siang, qui contribua a eliminer du Iangage les mots designant OU pouvant qualifier les etrangers. Au bout de quelques dizaines de generations, alors que se des– llkhment Jes ultimes brins d'herbe du Shor-Emmg, les sMrn avaient oublie comment et pourquoi ils etment arrives Ia. Certes, a plusieurs reprises. Jes habitants d'une des villes durent, sur ordre du s'uol, se refugier A l'interieur des terres, mais nulle explication ne Ieur etait foumie. L' un des premiers soins du quatrieme siang avait ete d'eliminer le concept de curiosite - ou plut6t de l'attenuer suffisamment pour que nul ne se demande plus jamais ce qu' il pouvait bien y avoir au-dela des limites du Shor-Eneng. Apres mille ans, les etrangers ne revinrent plus. Sans doute le ShOr-Eneng etait-il desormais considere comme un territoire maudit, ou sans le moindre inte– ret. Les legendes ont la vie dure. A present, le but des premiers siangs etait presque atteint. Un langage de deux cents mots, qu'il semblait impossible de reduire a moins de cent cinquante, mode– lait la mentalite shore, lui interdisant I' acces aux concepts de haine, de violence, d'ambition ou de monde exterieur. II restait a eliminer quelques traces, quelques resurgences, comme l'idee de competition; ce serait la rache de Laeny. Quant a I' artisanat, son usage se perdrait. On oublierait le bronze pour utiliser des outils rudirnentaires tailles dans les os des morts - ainsi, ceux-ci continueraient a servir la commu- 25

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